“Les Fenêtres”
Une nouvelle de Vincent Garruchet
Photographie par Isaline Dupond Jacquemart
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Fenêtre sur mur
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Portrait sur fenêtre
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Fenêtre dans mur
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Main sur fenêtre
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Tête sur fenêtre
Photographie par Isaline Dupond Jacquemart
« Les fenêtres nous guettent
Quand notre cœur s’arrête... »
Jacques Brel, Les Fenêtres
Quand notre cœur s’arrête... »
Jacques Brel, Les Fenêtres
Horizontale,
ligne solaire sur le mur. Le jour décline, l’ombre monte. La mosaïque des
fenêtres s’illumine. Derrière le cadre et le verre, les petits univers privés
s’animent. Au premier étage du bâtiment d’en face, une femme rentre chez elle.
Elle allume la lumière. Une table, trois chaises, un four, quelques placards et
un évier. La silhouette d’un enfant apparaît dans le fond de la cuisine, près
du couloir qui donne sur l’entrée. Un garçon ou une fille, dix ans à peine.
Alors que l’enfant disparaît dans la pièce attenante, la mère ouvre le
réfrigérateur pour attraper une bouteille. Elle lui prépare un en-cas. Elle a
dû passer le récupérer à l’école après le travail. Sûrement la petite école
primaire, à quelques rues d’ici. C’est une vieille bâtisse, toute en pierre,
sur la façade on peut encore lire « Ecole de garçons » d’un côté et « Ecole de
filles » de l’autre. Certaines salles de cours du premier étage donnent sur la
rue et lorsque les beaux jours arrivent, on ouvre les fenêtres. On peut alors
saisir les bribes d’une leçon d’histoire ou d’une poésie qu’un enfant récite au
tableau. On entend parfois La Fontaine et Rimbaud passer par la fenêtre. Deux
étages plus haut, un nouvel appartement s’éclaire. Quelques meubles et un grand
lit dans une pièce orangée. Deux silhouettes apparaissent dans un des coins de
la chambre. C’est le jeune couple du troisième. La femme est une jolie brune
aux cheveux courts, elle porte souvent cette marinière qui souligne la finesse
de son cou. Lui, c’est un jeune fraîchement diplômé. Le matin, il se rend au
travail à pied, avec ses lunettes rondes et son long caban. Il ne doit pas
travailler très loin. Un instant. Elle passe devant la fenêtre, ôte sa
marinière et dévoile son dos nu. Une main tire le rideau. Tissu aveugle,
assassin des lumières. De l’autre côté, l’air de la chambre doit être tiède.
Elle est peut-être allongée sur le lit, le regardant tout au fond des yeux,
lui… lui qui s’approche et la caresse. Il pose ses mains sur ses hanches et lui
retire son jean. Regard intime de la bouche et des mains. Il enfouit son visage
entre ses cuisses, déjà elle soupire. Il sursaute. Une porte a claqué dans le
bureau d’à côté. Rassemblant ses esprits, il parcourt du regard la pièce où il
travaille. L’horloge indique dix-huit heures quinze. Il est déjà tard. Il doit
être le dernier. Il éteint l’ordinateur resté allumé, remet de l’ordre dans ses
affaires et se lève. Avant de quitter la pièce, il se retourne et jette un dernier
coup d’œil par la fenêtre. En face, la lumière du troisième est éteinte.
Fenêtre sur mur
Portrait sur fenêtre
Le
tramway arrive à l’arrêt sous une pluie battante. Détrempé, frissonnant, il
s’engouffre avec peine dans une rame bondée. En entrant, ses lunettes se
couvrent d’une épaisse buée. Il les retire et les essuie avec la manche de son
pull. Dehors, les troubles éclats irisés des feux des voitures défilent au
rythme saccadé de la circulation. Myope, il pense voir comme un peintre, comme
un impressionniste. Autour de lui, les têtes baissées fixent d’innombrables
écrans. Fils d’actualité où l’on se pend, fenêtres hors du tram et des autres.
Il jette un regard par-dessus l’épaule de l’homme à sa gauche. Celui-ci
consulte l’application mobile d’un célèbre journal. Sur l’écran tactile de son
téléphone, les articles défilent d’un seul geste du doigt. Une photographie
aérienne montre un rafiot délabré, surpeuplé, en pleine mer. Des dizaines
d’hommes et de femmes sont à l’eau. Sur la proue du navire, une femme en
détresse agite un tissu blanc. Désastre, parfum de naufrage, balayés sans un
bruit par un doigt tout puissant. « Prochain arrêt, B… ». Le tramway ralentit
puis s’arrête. Il avance en s’excusant et se fraye un chemin vers la sortie.
Les portes s’ouvrent et la pluie fouette son visage. Il ouvre son parapluie et
s’engage dans la rue qui descend vers le fleuve. Les gouttières crachent des
flots ininterrompus de pluie qui irriguent le lit des caniveaux et nourrissent
d’insatiables bouches d’égout. L’eau coule dans cette rue penchée. En marchant,
lui-même se sent comme aspiré, entraîné par le torrent des eaux vers l’aval de
la rue. Etroite, cette rue est bordée de maisons dont les fenêtres donnent à
hauteur d’homme. Chaque fenêtre qu’il croise éclaire son visage, car ces trous
de lumière projettent leur monde sur la rue des passants. Ombre et lumière, mur
et fenêtre. Il marche le long du
trottoir, sans s’arrêter. Sans tourner la tête, ou légèrement peut-être. Il
voit. Le cadre en pierre d’une fenêtre s’ouvre sur un salon éclairé d’une lampe
dont l’abat-jour reproduit des motifs africains. Un canapé en cuir, une table
basse en bois, un tapis d’Orient, et des masques sur les murs. Une grande
bibliothèque déborde de livres en tous genres. Assis en tailleur, un enfant
tourne les pages d’une encyclopédie. Les illustrations révèlent la couleur et
la forme des galaxies, des nébuleuses et de nombreux autres corps célestes
photographiés par de puissants télescopes. L’enfant imagine qu’il est au sommet
d’une montagne, dans un observatoire enfoui sous la neige. Il travaille à
l’observation des exoplanètes pour découvrir un monde habitable. Secrètement,
il espère participer à l’exploration du cosmos. Il marche et disparaît dans
l’ombre. Quelques mètres plus loin, il entre à nouveau dans le champ lumineux
d’une fenêtre.
C’est une chambre en désordre, le lit est défait. Un jeune est
assis en train d’écrire. Deux imposants manuels, physique ou mathématiques
peut-être, sont ouverts à côté de lui. De temps en temps, il jette un œil à
l’une des pages pour vérifier une formule. Il doit préparer un examen ou un
concours. Bientôt, il prendra place dans une salle surveillée où il devra faire
montre de ses aptitudes, de ses compétences. Pour intégrer l’école, valider
l’année. Le veut-il seulement ? Sait-il ce qu’il veut ? En levant les yeux, il
se tourne vers la fenêtre, il a cru voir une ombre. Il marche encore, sans
s’arrêter ; c’est sa pensée qui s’arrête à chaque fenêtre. Lui, il marche. Il
regarde droit devant, et les fenêtres défilent sur sa gauche comme les pages d’un
livre. Théâtres derrière les vitres. Il avance et les fenêtres reculent, il
avance et le monde s’enfuit. Pourtant, il voit et il vit. Il vit ce qu’il voit,
emportant avec lui les images des autres. Collectionneur d’impressions et de
scènes, il peuple son âme de la vie des autres. Une ombre avance. Une dizaine
de mètres plus loin, une silhouette glisse vers lui sur le trottoir. C’est une
femme qui remonte la rue pour aller prendre le tramway. Elle porte un
imperméable jaune, une jupe, ils vont se croiser. Il la regarde, elle redresse
la tête. Transpercé par son regard, il essaie de sourire. Gêné, il sent les
fils de son visage qui se tendent. Il se sent grimacer, sans raison, sans
vouloir. Il voudrait contrôler son visage, connaître l’expression de ce visage
qui n’obéit pas. Il a besoin d’un miroir. Il se sent ridicule et tremblant. Une
seconde. Ils se croisent. Derrière lui, elle est déjà loin. Il n’existe plus.
L’humidité et le vent lui glacent les os. Il presse le pas.
Le lendemain, le temps est clair. C’est une de ces journées d’hiver où la profondeur du ciel donne le vertige. Le vent s’engouffre dans les rues en emportant les regards à l’horizon. Le monde est immense. Il inspire et frissonne, l’infini l’effraie. Il emprunte le chemin quotidien, la rue qui descend vers le fleuve. Déjà, le jour se couche. Il dépasse une fenêtre aux volets fermés. Les raies de lumière sont coupées par deux ombres à l’intérieur. On ne distingue rien. C’est un couple de retraités qui vit là. Il les croise souvent le dimanche. A son âge, elle a du mal à marcher et s’appuie contre lui. Il aime les croiser, les voir marcher tous les deux. Ils marcheront jusqu’à la fin, probablement. Ils ont fermé les volets, comme chaque soir, dès que la nuit tombe. A cette heure, ils ont déjà dîné. Elle doit être en train de faire du crochet pendant que lui regarde la télévision. Plus loin, il dépasse une autre fenêtre. C’est la chambre d’une lycéenne du quartier. Une armoire est ouverte et de nombreux habits sont jetés sur le lit.
Le lendemain, le temps est clair. C’est une de ces journées d’hiver où la profondeur du ciel donne le vertige. Le vent s’engouffre dans les rues en emportant les regards à l’horizon. Le monde est immense. Il inspire et frissonne, l’infini l’effraie. Il emprunte le chemin quotidien, la rue qui descend vers le fleuve. Déjà, le jour se couche. Il dépasse une fenêtre aux volets fermés. Les raies de lumière sont coupées par deux ombres à l’intérieur. On ne distingue rien. C’est un couple de retraités qui vit là. Il les croise souvent le dimanche. A son âge, elle a du mal à marcher et s’appuie contre lui. Il aime les croiser, les voir marcher tous les deux. Ils marcheront jusqu’à la fin, probablement. Ils ont fermé les volets, comme chaque soir, dès que la nuit tombe. A cette heure, ils ont déjà dîné. Elle doit être en train de faire du crochet pendant que lui regarde la télévision. Plus loin, il dépasse une autre fenêtre. C’est la chambre d’une lycéenne du quartier. Une armoire est ouverte et de nombreux habits sont jetés sur le lit.
Fenêtre dans mur
Main sur fenêtre
Elle est en sous-vêtements, debout
face au miroir. Elle pivote, se met de profil et observe la ligne de son corps.
Elle grimace, passe la main sur son ventre et cambre davantage son dos. Elle se
sent disgracieuse, différente des autres. Elle scrute le reflet et sa main
décrit le contour de ses hanches. Elle les trouve épaisses et gênantes. Son
autre main triture une mèche de cheveux. Faisant volte-face, elle ramasse les
habits éparpillés sur le lit et les jette en désordre dans l’armoire. Elle
enfile un pull informe et sort de sa chambre. Il continue de marcher. En
dépassant une porte d’entrée, il lui semble entendre un murmure. Pensant s’être
trompé, il poursuit sa marche. Pourtant, il distingue à nouveau le son d’une
voix. Il s’arrête.
“ Monsieur… articule une voix fragile et tremblante.
- Il y a quelqu’un ? Interroge-t-il. Il se retourne et aperçoit la lumière d’une porte entrouverte, la voix reprend :
- Oui, monsieur, je suis ici, pouvez-vous m’aider ? Entrez, je vous en prie…
Il hésite mais finit par s’approcher de la porte. Il ouvre un peu et découvre une femme d’une soixantaine d’années dans un fauteuil roulant.
- Je suis désolée, je vous embête, pouvez-vous m’aider ? J’ai besoin de mes gouttes…
- Madame, je…
- Venez, elles sont sur l’étagère, mon fils est parti, il a oublié… je ne peux pas le faire seule, ajoute-t-elle avec difficulté. ”
Il finit par franchir le seuil de la porte et pénètre dans une pièce mal éclairée. Il y a de nombreux meubles, trop de meubles. Une forte odeur de renfermé… non ce n’est pas cela, il y a autre chose, une forte odeur qui le dérange. Dans un coin de la pièce, il aperçoit un bac à litière rempli de merde. Il y en a même sur le sol. Sur une des commodes, un gros chat est en train de dormir.
“ Monsieur… articule une voix fragile et tremblante.
- Il y a quelqu’un ? Interroge-t-il. Il se retourne et aperçoit la lumière d’une porte entrouverte, la voix reprend :
- Oui, monsieur, je suis ici, pouvez-vous m’aider ? Entrez, je vous en prie…
Il hésite mais finit par s’approcher de la porte. Il ouvre un peu et découvre une femme d’une soixantaine d’années dans un fauteuil roulant.
- Je suis désolée, je vous embête, pouvez-vous m’aider ? J’ai besoin de mes gouttes…
- Madame, je…
- Venez, elles sont sur l’étagère, mon fils est parti, il a oublié… je ne peux pas le faire seule, ajoute-t-elle avec difficulté. ”
Il finit par franchir le seuil de la porte et pénètre dans une pièce mal éclairée. Il y a de nombreux meubles, trop de meubles. Une forte odeur de renfermé… non ce n’est pas cela, il y a autre chose, une forte odeur qui le dérange. Dans un coin de la pièce, il aperçoit un bac à litière rempli de merde. Il y en a même sur le sol. Sur une des commodes, un gros chat est en train de dormir.
L’air
autour de lui se resserre, il fait une chaleur étouffante. L’humidité et la
puanteur soulèvent son estomac. Pris d’un haut-le-cœur, il manque de vomir. La
vieille reprend :
- Aidez-moi s’il vous plaît, je ne peux pas mettre ces gouttes seule… tenez, prenez-les, elles sont dans le frigo, dit-elle en montrant du doigt le coin de la pièce. Il ouvre le réfrigérateur. Des assiettes oubliées pourrissent un peu partout. Il trouve les gouttes dans un des compartiments de la porte. Il se retourne et les lui montre :
- Oui c’est ça, répond-elle avec peine. Ses yeux sont injectés de sang, elle est malade. Il s’approche, elle penche la tête en arrière. Il appuie trois fois. Trois gouttes tombent sur le cercle de l’œil blessé. Il recommence avec l’autre œil. Elle expire avec peine et ferme les yeux. Une des gouttes roule le long de sa joue. Elle esquisse un sourire et saisit sa main droite :
- Merci, merci monsieur, sans vous je… quand on est seul on peut mourir, on est seul… dit-elle d’une voix cassée.
- Ce n’est rien, je vous en prie, c’est normal, répond-il. Gêné, il part sans un bruit et quitte la pièce. Il disparaît dans la rue.
Ciel de plomb, grisaille écroulée sur la ville. Déjà, il fait nuit. Dans la rue qui mène au fleuve, les réverbères dessinent des cercles jaunes sur les trottoirs. Il resserre un peu l’écharpe autour de son cou et dépasse une fenêtre, les volets sont fermés. Aucune lumière. Marcher, continuer de marcher. La rue est étrangement vide, curieusement calme. Attiré par un détail, un éclat de couleur, son regard dévie subrepticement du sens de la marche, vers la droite, sur le trottoir d’en face. « Mor » est écrit sur un mur, d’un trait rouge, à la bombe. Le « r » final s’achève en une ligne ascendante, c’est une lettre en suspens. Le tag et le mot, inachevés, donnent l’impression d’un murmure étouffé. C’est la première fois qu’il le remarque. Qui l’a écrit ? Pourquoi n’écrire que ça… Peut-être un jeune des environs, vers deux ou trois heures, au milieu de la nuit. Il commençait à taguer lorsqu’une voiture est passée. Eclairé par les feux, il disparaît sans pouvoir achever. Ne laissant derrière lui qu’un éclair de peinture, signe amputé d’une pensée inquiète. Marcher, toujours marcher, avancer quand la rue et le monde reculent. Il croise une autre fenêtre, noire et vide. Les réverbères sont les seuls à briller.
- Aidez-moi s’il vous plaît, je ne peux pas mettre ces gouttes seule… tenez, prenez-les, elles sont dans le frigo, dit-elle en montrant du doigt le coin de la pièce. Il ouvre le réfrigérateur. Des assiettes oubliées pourrissent un peu partout. Il trouve les gouttes dans un des compartiments de la porte. Il se retourne et les lui montre :
- Oui c’est ça, répond-elle avec peine. Ses yeux sont injectés de sang, elle est malade. Il s’approche, elle penche la tête en arrière. Il appuie trois fois. Trois gouttes tombent sur le cercle de l’œil blessé. Il recommence avec l’autre œil. Elle expire avec peine et ferme les yeux. Une des gouttes roule le long de sa joue. Elle esquisse un sourire et saisit sa main droite :
- Merci, merci monsieur, sans vous je… quand on est seul on peut mourir, on est seul… dit-elle d’une voix cassée.
- Ce n’est rien, je vous en prie, c’est normal, répond-il. Gêné, il part sans un bruit et quitte la pièce. Il disparaît dans la rue.
Ciel de plomb, grisaille écroulée sur la ville. Déjà, il fait nuit. Dans la rue qui mène au fleuve, les réverbères dessinent des cercles jaunes sur les trottoirs. Il resserre un peu l’écharpe autour de son cou et dépasse une fenêtre, les volets sont fermés. Aucune lumière. Marcher, continuer de marcher. La rue est étrangement vide, curieusement calme. Attiré par un détail, un éclat de couleur, son regard dévie subrepticement du sens de la marche, vers la droite, sur le trottoir d’en face. « Mor » est écrit sur un mur, d’un trait rouge, à la bombe. Le « r » final s’achève en une ligne ascendante, c’est une lettre en suspens. Le tag et le mot, inachevés, donnent l’impression d’un murmure étouffé. C’est la première fois qu’il le remarque. Qui l’a écrit ? Pourquoi n’écrire que ça… Peut-être un jeune des environs, vers deux ou trois heures, au milieu de la nuit. Il commençait à taguer lorsqu’une voiture est passée. Eclairé par les feux, il disparaît sans pouvoir achever. Ne laissant derrière lui qu’un éclair de peinture, signe amputé d’une pensée inquiète. Marcher, toujours marcher, avancer quand la rue et le monde reculent. Il croise une autre fenêtre, noire et vide. Les réverbères sont les seuls à briller.
Tête sur fenêtre
Black out
Il marche encore, mais de moins en moins vite. Un curieux
sentiment germe en lui, alourdit sa démarche. Il dépasse la maison de la
vieille de l’autre jour. A deux pas de la porte, une poubelle renversée, une
merde de chien. Et le silence. Le silence de la rue le saisit à la gorge. Rue
sans vie, sans la lumière des fenêtres. Les fenêtres sont mortes ou quoi ?
Où sont-ils ? Il fronce les sourcils, et sa bouche est tordue. Il croise une autre fenêtre aux rideaux tirés, légèrement transparents. Pas de lumière. Un mètre, deux mètres. Il s’arrête. Troublé. Il lui a semblé voir une ombre. N’y avait-il pas une ombre derrière le rideau ? Lentement, sans trop savoir pourquoi, il se retourne. Son souffle et son cœur vibrent à contretemps. Il revient sur ses pas, quelques mètres en arrière. La fenêtre est bien vide, noire, et les rideaux tirés. Le monde est muet. Les rideaux sont colorés d’un vert sombre et couverts de spirales. Face à la vitre, il ne voit rien, rien d’autre que son propre reflet. Le reflet de sa personne, condamné à rester du côté de la rue, hors du monde et loin des autres. Un désespoir immense s’empare de lui, noyant tout dans son corps, arrachant les pensées et tuant les souvenirs. Il n’y a rien au-delà de la rue, il est seul. Il est seul.
La fenêtre, le reflet s’est troublé ! Quelque chose a bougé. Ce n’est pas lui, il n’a pas fait un geste. L’ombre est là. De l’autre côté. L’ombre est de l’autre côté, face à lui, debout. Il recule. L’ombre avance derrière la fenêtre. Il recule encore, jusqu’au milieu de la route. Il tourne la tête. Il y en a d’autres. Chaque fenêtre abrite une ombre, une ombre qui le fixe. Ils sont partout, il est seul dans la rue. Tous les regards des fenêtres sont tournés vers lui. Ces gens-là dont les yeux assassinent. Folies de leurs yeux malveillants. Cruauté grossie par le verre des vitres. Ils sont là. L’encerclant, de toutes parts. Il est nu, criblé des balles des yeux qui fusillent. Ivre de terreur, il fait un pas en arrière et manque le trottoir. Sa silhouette bascule et percute le sol. Crâne brisé.
Où sont-ils ? Il fronce les sourcils, et sa bouche est tordue. Il croise une autre fenêtre aux rideaux tirés, légèrement transparents. Pas de lumière. Un mètre, deux mètres. Il s’arrête. Troublé. Il lui a semblé voir une ombre. N’y avait-il pas une ombre derrière le rideau ? Lentement, sans trop savoir pourquoi, il se retourne. Son souffle et son cœur vibrent à contretemps. Il revient sur ses pas, quelques mètres en arrière. La fenêtre est bien vide, noire, et les rideaux tirés. Le monde est muet. Les rideaux sont colorés d’un vert sombre et couverts de spirales. Face à la vitre, il ne voit rien, rien d’autre que son propre reflet. Le reflet de sa personne, condamné à rester du côté de la rue, hors du monde et loin des autres. Un désespoir immense s’empare de lui, noyant tout dans son corps, arrachant les pensées et tuant les souvenirs. Il n’y a rien au-delà de la rue, il est seul. Il est seul.
La fenêtre, le reflet s’est troublé ! Quelque chose a bougé. Ce n’est pas lui, il n’a pas fait un geste. L’ombre est là. De l’autre côté. L’ombre est de l’autre côté, face à lui, debout. Il recule. L’ombre avance derrière la fenêtre. Il recule encore, jusqu’au milieu de la route. Il tourne la tête. Il y en a d’autres. Chaque fenêtre abrite une ombre, une ombre qui le fixe. Ils sont partout, il est seul dans la rue. Tous les regards des fenêtres sont tournés vers lui. Ces gens-là dont les yeux assassinent. Folies de leurs yeux malveillants. Cruauté grossie par le verre des vitres. Ils sont là. L’encerclant, de toutes parts. Il est nu, criblé des balles des yeux qui fusillent. Ivre de terreur, il fait un pas en arrière et manque le trottoir. Sa silhouette bascule et percute le sol. Crâne brisé.
Publication dans la revue l’Eclectique
Impression risographie