Monde alternatif

2021-2022
Monde alternatif explore les imaginaires d’un futur, utopique ou dystopique – l’on ne sait déjà plus vraiment – et emprunte la voie de la science-fiction. Une narration spéculative en images d’un monde en compostage qui interroge le nôtre en retour. Car comment vivre dans des ruines et exister dans ce monde-là ?









    Dans la forêt, je marche, balade contemplative, glanant ici et là champignons de la fin du monde en compostage et feuilles décomposées. Au bord du réel, je m’interroge, comment vivre dans des ruines à l’heure où la chaleur dessèche les squelettes de poisson ? 

    En cet instant, entre le jour et la nuit, peuplé de lueurs roses et bleues hallucinées, je fabule d’image en image un monde futur alternatif, peuplé d’une vitalité inquiétante. Au bord du trouble – celui des catastrophes – une narration spéculative, ni utopique, ni dystopique, se déploie. Et je rêve d’insectes en plastique xylophages – reliques industrielles – de forêts fabuleuses nervurées, de coquillages ramassés en bord de plage, de matières en mutation et de cimes lumineuses – cabinet de curiosité, radiographiesc merveilleuses, décompositions prodigieuses.

    Pour apprendre à vivre avec, cette ambivalence de l’énergie de l’espoir et du désespoir, nous fabulerons d’autres mondes pour imaginer les possibles, les fabriquer peut-être, pour exister, entier·es.

    Alors, dans la forêt de la vallée de Chevreuse, à l’aurore ou au crépuscule, à quinze arrêts de RER, à cinquante kilomètres du bâti parisien, grouillant, je marche et science-fictionne des espaces qui poussent et foisonnent, encore.

    « Que faire quand votre monde commence à s’effondrer ? Moi, je pars me promener et, si j’ai vraiment de la chance, je trouve des champignons. », Anna Tsing, Le champignon de la fin du monde

    « Il semble que l’imagination utopique soit piégée, comme le capitalisme, l’industrialisme et la population humaine, dans un futur unique où il n’est question que de croissance. », Anna Tsing, Le champignon de la fin du monde

    « We — all of us on Terra — live in disturbing times, mixed-up times, troubling and turbid times. […] In urgent times, many of us are tempted to address trouble in terms of making an imagined future safe, of stopping something from happening that looms in the future, of clearing away the present and the past in order to make futures for coming generations. Staying with the trouble does not require such a relationship to times called the future. In fact, staying with the trouble requires learning to be truly present, not as a vanishing pivot between awful or edenic pasts and apocalyptic or salvific futures, but as mortal critters entwined in myriad unfinished configurations of places, times, matters, meanings. », Donna Haraway, Staying with the Trouble

Cette récolte d’images et de formes [de la série Monde alternatif] est ainsi un point de départ pour l’artiste dont l’attention particulière pour la matière, les formes et les textures révèle une certaine fascination pour les subtilités que nous offre le réel. Sa rencontre des différents éléments, chemin faisant, et leur mise en lumière dans des scènes aux couleurs parfois fantasmagoriques lui permettent alors de les faire basculer dans une dimension ésotérique et mystérieuse. Sortis de leurs contextes et traités par la main de l’artiste, des coquillages, des pierres, des feuilles d’arbres deviennent ainsi des portes vers un monde alternatif, une échappatoire en cette époque d’incertitudes, ou encore une poésie de l’imaginaire avant que ce dernier ne soit plus possible.

Morgane Jouvencel
Artiste

Exrait de son mémoire “EM1.M”, 2022.
Sous la direction de Vincent Carlier, Ecole Nationale Supérieure d'Art de Limoges.

Vues d’exposition au festival InCadaques, Eglise Santa Maria, Cadaques, Espagne, (2022)
Tirages argentiques sur papier satiné contrecollé, 40x60 cm, 30x40cm
Tirages argentiques sur papier satiné, 20x30cm, 15x22,5cm
2x2m, toiles



Vues d’exposition à Chapelle XIV, Paris, (2023)
Tirage contrecollé, 40x60 cm

Tirages argentiques sur papier satiné, 20x30cm, 15x22,5cm
Crédits photo : Romain Darnaud